Cette bourrée est jouée au violon par Joseph Perrier, enregistré chez lui à Pérol par Eric Cousteix au début des années 1980.
Joseph Perrier tient cette bourrée de son père, lui aussi violoneux. La mélodie, très tonique et à la fois très souple, soutient la danse tout en donnant l’impression que l’on va décoller. Cette façon particulière de penser la musique, très ancrée sur le territoire de l’Artense, a deux incidences : le rythme est très découpé (comme le suggère la présence des doubles croches dans la partition) mais les notes sont très liées du fait des mouvements conjoints (notes qui se suivent).
A l’écoute, on a l’impression de tourner indéfiniment autour des mêmes notes, de toutes les façons possibles : les motifs mélodiques se répondent, sont construits en miroir (par exemple à la cinquième mesure de chaque ligne). L’apparence complexe de cette mélodie cache finement une grande simplicité de moyens : déclinaison et variation des motifs mélodiques; répétition de motifs rythmiques apportant des effets de relance (doubles croches – croches); présence d’ornements sur les notes d’appuis, et le tour est joué ! C’est la combinaison de tout cela qui est un art, que Joseph Perrier maîtrise à merveille.
Mais il n’y a aucune magie là-dessous. Jospeh Perrier a joué beaucoup de bourrées et en a entendu encore plus. Dans un tel bain culturel, entouré de quelques brillants violoneux, il a certainement pu engranger tout un vocabulaire musical riche, somme de tous ces mélodies trottant dans l’air. On peut le ressentir dans cette bourrée là, comme si d’autres bourrées que ces prédécesseurs ont jouées avant lui étaient contenues dedans.
Sur tout cet héritage, Joseph Perrier appose sa signature : son coup d’archet vif et son vibrato particulièrement chantant sur les notes tenues, en fin de phrases. Son violon semble prononcer des paroles, du moins, nous raconter une histoire, sans avoir besoin de mots.
Eric Desgrugillers